Économie

3.

Rhône et économie : je t’aime… Moi non plus

AIAG (Alusuisse), usines d’aluminium, séparées du petit village par la Navizance, Chippis, vers 1930

Le premier poisson pêché à peine sorti de l’eau : une histoire économique tumultueuse démarrait entre le Rhône et les humains. Et quelle histoire ! Faite de hauts et de bas, cette relation verra naître une vraie rivalité entre le fleuve et les habitants de sa région.

Du Rhône furieux au Rhône domestiqué et exploité
Lorsque les premières populations s’installent le long du Rhône, le fleuve est un camarade quotidien. Source d’eau et de nourriture, il attire également les bêtes qui désirent se désaltérer. Une aubaine pour nos ancêtres chasseurs !
Il est donc synonyme de prospérité pour les humains. Avec l’agriculture, ses rives fertiles pourraient offrir un potentiel économique certain. Mais le Rhône ne se laisse pas faire… Imprévisible, ses crues emportent périodiquement cultures et installations humaines. L’humidité est également synonyme de maladies pour les habitant∙e∙s et le bétail.
Est-il un ennemi ? Certainement pas ! Malgré ces problèmes, le fleuve demeure un acteur central de l’économie locale. Source de nourriture par la pêche, ressource d’eau, voie d’échange et de commerce, source d’énergie pour les moulins… les humains vont peu à peu développer leur rapport avec lui, adaptant leurs comportements à son caractère changeant.
Du XIXe au XXe siècle, les progrès techniques transforment à tout jamais la relation entre le Rhône et les humains. L’exploitation de la force hydraulique en fait un atout économique extraordinaire. La méfiance n’est plus d’actualité : le fleuve devient une opportunité économique. Endigué, remodelé, corrigé par des bras humains désireux d’en exploiter le plein potentiel, le Rhône est progressivement mis au service du développement économique des États.
« Les glaciers des montagnes peuvent, étant exploités en forces motrices, être pour leur région et pour l’État des richesses aussi précieuses que la houille des profondeurs. Lorsqu’on regarde la source des milliers de chevaux ainsi obtenus et leur puissant service, les glaciers ne sont plus des glaciers ; c’est la mine de la houille blanche à laquelle on puise, et combien préférable à l’autre. » — Aristide Bergès, ingénieur français de la fin du XIXe siècle

De Lyon à Chippis, un infatigable serviteur aux multiples facettes
Désormais protégés des crues violentes, les fertiles abords du Rhône sont parfaits pour les cultures. L’activité agricole intensive change le quotidien des populations et, par l’usage de pesticides notamment, dégrade ses eaux toujours utilisées pour irriguer les terres.
Redessiné et creusé, le Rhône peut aussi constituer une alternative au transport routier ou ferroviaire. En France, il est navigable sur plus de 300 km entre Lyon et la Méditerranée. À titre d’exemple, le Port de Lyon manutentionne environ 12 mio de tonnes de marchandises par an ; une vraie autoroute !
Des dizaines de centrales hydroélectriques jalonnent aussi son cours entre le Valais et la mer. Dirigée sur des turbines, l’incroyable force du Rhône permet de produire de l’électricité. À cela s’ajoutent d’autres usages de ses eaux pour l’économie. En effet, nombreuses sont les industries qui y recourent pour fonctionner (cimenteries, usines chimiques et pétrochimiques, centrales nucléaires, etc.)

Alusuisse et le développement industriel du Valais
Pionnière en Europe dans le domaine de l’aluminium, l’entreprise Alusuisse (initialement AIAG) est un fleuron de l’industrie helvétique. Au début du XXe siècle, AIAG s’intéresse au Valais pour sa main d’œuvre bon marché et pour le Rhône et le potentiel hydroélectrique de la région.
Avec l’usine de Chippis, construite au bord du fleuve, l’entreprise devient un acteur économique incontournable en Valais, employant plus de 3 500 ouvrier∙ère∙s en 1942. Cependant, la relation avec le Rhône n’est pas toujours bonne comme en témoignent les scandales liés à la pollution au fluor qui éclatent à la fin des années 1970.
Dans le sillage d’Alusuisse, d’autres entreprises s’installent sur ses rives au fil du XXe siècle. Les industries de la région de Monthey en sont un exemple remarquable.

Laurence Piaget-Dubuis, gravière, Pont Chalais, Sierre, 2022

Conséquences environnementales
La course au développement économique a ainsi causé des dégâts considérables à l’environnement rhodanien *. Les pesticides de l’agriculture et les substances toxiques liées à l’industrie à Chippis ou Monthey ne sont pas des cas isolés. Le Rhône a subi et subit encore des pollutions fréquentes de ses eaux comme en témoigne l’actualité récente…

Aujourd’hui, malgré les remises en question des dernières décennies, le Rhône demeure largement exploité au profit des activités économiques.

Aujourd’hui, malgré les remises en question des dernières décennies, le Rhône demeure largement exploité au profit des activités économiques. De manière quelque peu paradoxale, même lorsqu’il se trouve renaturé, rendu à la liberté, il se mue en acteur du tourisme et des loisirs. Décidément, pas de repos pour les braves !

Pour aller plus loin
→ Observe des images satellites d’autres portions du Rhône et compare-les avec le Rhône valaisan.
→ Pour en savoir plus, sur les acteur∙ice∙s du Rhône, visionne le film : Dans le lit du Rhône.

Mots clés
Glacier, hydroélectricité, transport fluvial, pollution

Fiche PDF imprimable à télécharger
3. Économie. Rhône et économie: je t’aime… Moi non plus

Bibliographie

www.hls-dhs-dss.ch/fr/articles/041942/2013-03-14
www.lenouvelliste.ch/valais/chablais-valaisan/monthey-district/monthey-commune/pollution-la-fuite-dhydrocarbures-de-syngenta-a-monthey-sest-propagee-jusquau-bouveret-1257217

Crédits

  1. AIAG (Alusuisse), usines d’aluminium, séparées du petit village par la Navizance, Chippis, vers 1930
  2. Florian Pépellin, vue, depuis la ligne de chemin de fer sur la rive opposée du Rhône, de la centrale nucléaire de Cruas, Ardèche, 2018, (CC BY 4.0)
  3. Laurence Piaget-Dubuis, gravière, Pont Chalais, Sierre, 2022

Articles recommandés