Représentations

Mosaïque du Dieu Océan

5.

Ô Rhône sinueux, ô Rhône périlleux !

Mosaïque du Dieu Océan. Datant de +/- 180, Découverte en 1967, cette mosaïque est devenue l’emblème du site de Saint-Romain-en-Gal et de son musée gallo-romain. Photo : Vassil, 2011, (CC BY 4.0)

« Rhône tortueux et déchaîné, dieu sauvage ou terrifiant, pourtant si majestueux ! », pourrait-on chanter… Ne peut-on pas qualifier ce fleuve de divinité domptée et indomptable ?

Représentations littéraire et sociale
« Je te cherche, vieux Rhône de mes années enfuies. Je te cherche fougueux, violent, tumultueux, rapide… Je te cherche, animal de colère, fauve réputé indomptable, terreur des Nautes de l’Antiquité, des condriots de la grande batellerie, puis des mâchures de la marine à charbon ou à pétrole . — Bernard Clavel » 1. Si l’on parcourt la littérature et notamment les écrits de l’historien romain Tite-Live (1er siècle av. J.-C.), les allusions au caractère tempétueux du fleuve ne manquent pas. Néanmoins, en 102 av. J.-C., un brillant stratège romain, Marius, fut le premier à faire dévier le cours du fleuve, selon le biographe Plutarque, ( 1er siècle ap. J.-C.). Le dieu Rhodanus était alors dompté !
Prenant sa source dans le glacier valaisan éponyme *, le Rhône est un élément naturel emblématique de notre paysage alpin et enneigé. Au fil des siècles, la volonté de contrôler le cours du fleuve valaisan favorise sa « désacralisation », transformant de ce fait les mentalités locales qui exigent que l’ancien dieu ploie sous le progrès et la densification grandissante des villes.

Anthropomorphiser *  l’eau : le cas du Rhône
Les représentations de divinités aquatiques sont nombreuses dans le monde gréco-romain, puisque les Grecs concevaient Gaia ( la terre-mère ) entourée d’Oceanos ( océan ), divinité primordiale des eaux. D’ailleurs, le philosophe grec du VIe siècle av. J.-C., Milésien Thalès a fait de l’eau un des principes fondamentaux de l’univers.

Rhodanus dans l’archéologie
Reproduire sous des traits humains les dieux, donc anthropomorphiser, est un procédé courant dans l’Antiquité, comme en témoignent les mosaïques, statues et fresques gréco-romaines. À titre d’exemple, citons une mosaïque romaine découverte en France et mettant en scène le dieu Océan. Néanmoins, en dehors de quelques inscriptions sur pierre, le dieu Rhodanus est peu représenté iconographiquement *.

Depuis 2007, de nombreuses fouilles sont menées sur la rive droite du Rhône à Arles. Elles ont permis la découverte de fragments de statuettes comme Neptune, frère de Jupiter et dieu des eaux, ou encore de figurines d’hommes barbus non identifiées mais similaires
à Neptune.

Depuis 2007, de nombreuses fouilles sont menées sur la rive droite du Rhône à Arles. Elles ont permis la découverte de fragments de statuettes comme Neptune, frère de Jupiter et dieu des eaux, ou encore de figurines d’hommes barbus non identifiées mais similaires à Neptune. Dans les provinces soumises à Rome (par exemple en Gaule, en Afrique du Nord, en Germanie), il est courant d’assimiler certains dieux romains à des divinités du lieu.

Dans la littérature antique, le Rhin, le Rhône et le Danube sont réputés comme impétueux et inflexibles, caractéristiques plutôt masculines dans l’Antiquité, tandis que la Seine et la Saône sont des rivières paisibles évoquant la personnalité féminine.

Guillaume Coustou, allégorie fluviale du Rhône, 1719, Lyon. Photo : Frachet, 2009, (CC BY 4.0)

Nicolas Coustou, allégorie fluviale de la Saône, 1720, Lyon. Photo : Emmanuelle Bottura, 2016, (CC BY 4.0)

Les statues de Lyon : puiser aux sources antiques
En 1721, Guillaume et Nicolas Coustou sculptèrent deux statues allégoriques * représentant le Rhône sous les traits d’un dieu barbu et majestueux et la Saône sous ceux d’une femme belle et gracieuse, les deux reposant sur un lion et une flore abondante symbolisant la fertilité du lieu.

Dans la littérature antique, le Rhin, le Rhône et le Danube sont réputés comme impétueux et inflexibles, caractéristiques plutôt masculines dans l’Antiquité, tandis que la Seine et la Saône sont des rivières paisibles évoquant la personnalité féminine. « Le Rhône, en pourfendant les plaines de ses eaux aux tourbillons écumants, fonce vers la mer en élargissant son lit. Faisant semblant de s’arrêter, il accroît ses moyens, et la Saône mêle à lui ses eaux silencieuses » explique Tite-Live (Histoire romaine, III, 448-451).
Enfin, l’union de deux divinités est symbolisée dans un bas-relief en marbre de 1907, œuvre du sculpteur lyonnais André Vermare, sur lequel le Rhône sévère et musculeux surplombe une femme semblant assoupie qui n’est autre que la Saône.

Pour aller plus loin
→ Le Dieu Rhodanus sous forme de paysage valaisan : qui est-il ? Comment l’imagines-tu ?
→ Comment considérer la Dranse, la Sionne et la Vièze ? Essaye de les représenter comme des divinités.

Mots clés
Divinité, archéologie, sauvage, allégorie

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5. Représentation. Ô Rhône sinueux, ô Rhône périlleux !

Bibliographie

Bernard Clavel, Le Rhône ou les Métamorphoses d’un Dieu, Hachette, 1979, p. 13
De Saint-Denis E., Le Rhône vu par les Grecs et les Romains, Latomus, 40.3, 1981, pp. 545-570
www.lyoncapitale.fr/actualite/lyon-les-statues-du-rhone-et-de-la-saone-de-la-place-bellecour-prennent-place-au-musee-des-beaux-arts
https://www.lepoint.fr/culture/isere-vienne-recupere-sa-mosaique-du-dieu-ocean-01-08-2017-2147287_3.php#11

Crédits

  1. Mosaïque du Dieu Océan. Datant de +/- 180, Découverte en 1967, cette mosaïque est devenue l’emblème du site de Saint-Romain-en-Gal et de son musée gallo-romain. Photo : Vassil, 2011, (CC BY 4.0)
  2. Guillaume Coustou, allégorie fluviale du Rhône, 1719, Lyon. Photo : Frachet, 2009, (CC BY 4.0)
  3. Nicolas Coustou, allégorie fluviale de la Saône, 1720, Lyon. Photo : Emmanuelle Bottura, 2016, (CC BY 4.0)
  4. Laurence Piaget-Dubuis, eaux du Trient et du Rhône, Vernayaz, 2022

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