Pouvoir

Durant des siècles, on ne sait pas comment appeler ces géants de glace que l’on nomme aujourd’hui
« glaciers ». En langue allemande, le terme « gletscher » apparaît pour la première fois en désignant le glacier du Rhône. Mentionné par Sebastian de Münster dans sa description de 1552 de la Cosmographie Universelle¹, le terme est d’abord traduit par « glace endurcie ».

Un glacier du Rhône qui aime faire peur
Tout comme le Rhône qui déborde régulièrement dans la plaine, les glaciers inspirent la crainte. L’immensité, le froid, les crevasses meurtrières et le danger de ne jamais revenir pour celui qui tente de les franchir, participent aux légendes qui circulent sur leur compte. Les bruits fracassants de la glace qui fond et qui se détache, surtout pendant la fonte au printemps et à l’été, complètent cette méfiance.
Est-ce parce que l’eau est le symbole de la vie que la glace est symbole de la mort ? Le glacier est en tout cas entouré d’histoires fabuleuses… ou véridiques. Si ce genre d’histoire t’intéresse ; la légende du Grand Hôtel Glacier du Rhône, construit en 1856, est faite pour toi. Un glacier, trois corps et un piano ; cet article n’en dira pas plus…

Des explications divines
Dès la fin du Moyen Âge, un grand nombre de théories tentent d’expliquer ce que l’on ne comprend pas encore. Pour les partisans de la théorie diluvienne *, le relief tout entier serait le produit du déluge. Les glaciers seraient-ils les restes de l’océan unique qui recouvrait alors le monde ?

Des illustrations du glacier
Les glaciers suscitent une curiosité croissante à partir de 1760. À cette époque, appelée « Petit Âge glaciaire », ils avancent à nouveau, faisant disparaître certains alpages. Les scientifiques se demandent pourquoi et ne se satisfont plus des explications anciennes. Leurs observations se font alors plus précises. Des métaphores parfois exotiques apparaissent à cette période : « Une mer fort agitée dont les vagues auraient été subitement fixées par la gelée » ². Cette époque est celle des explorateurs audacieux qui ne dorment pas forcément à l’hôtel. Il faut attendre un demi siècle pour que les premier∙è∙s touristes Britanniques apparaissent, suivi∙e∙s rapidement par tous les autres Européen∙ne∙s fortuné∙e∙s.

Il faut attendre la période des lumières, à la fin du XVIIIe siècle, pour voir les artistes et les naturalistes sortir de leur atelier en quête d’une nature vivante, pittoresque * ou romantique.

C’est souvent en reproduisant les artistes antérieurs que de nombreux illustrateurs de livres pédagogiques ont vendu leurs œuvres prétendument faites « d’après nature » ³. Les artistes se sentaient alors obligés de donner un trait « scientifique » pour correspondre aux codes de leur époque. Or, elles étaient très loin de la réalité et souvent stéréotypés. Les auteurs répétaient la même manière de dessiner des détails qu’ils n’avaient souvent pas vus. Sans compter qu’un glacier évolue constamment. Il faut attendre la période des Lumières, à la fin du XVIII^e, pour voir les artistes et les naturalistes sortir enfin de leur atelier en quête d’une nature vivante, pittoresque * ou romantique. C’est ce goût du réel que l’on retrouve dans Le glacier du Rhône de Caspar Wolf.
Avec l’avènement du XX^e siècle et de la photographie, les glaciers souffrent plus du même manque d’égard scientifique dans leurs représentations. Ils suscitent la fascination de tou∙te∙s à l’heure du tourisme de masse.

Pour le visiteur averti, le vacancier conscient, une randonnée en haute montagne sonne comme un moment solennel, presque un adieu au géant blanc qu’il visite.

Place à la science, puis à la politique
Aujourd’hui les glaciers sont démystifiés * et l’on sait qu’ils sont le fruit de l’évolution du climat. En même temps que l’on comprend leur fonctionnement, on constate qu’ils sont voués à perdre en taille. Pour le visiteur averti, le « vacancier conscient », une randonnée en haute montagne sonne comme un moment solennel, presque un adieu au géant blanc qu’il visite. L’absence ou de la diminution des glaciers impacteront donc forcément le Rhône.
Pendant les mois chauds et secs de l’été, l’eau du Rhône provient de la neige et de la glace accumulées pendant l’hiver. Le glacier du Rhône n’alimente pas seul le fleuve. Tous les glaciers des montagnes qui entourent la vallée du Rhône maintiennent un débit en fondant pendant l’été, quand les précipitations diminuent. Si les données sont assez réjouissantes jusqu’en 2050 ⁴, les épisodes de sécheresse estivale seront à craindre à l’avenir, car c’est à ce moment que la contribution en eau des glaciers est la plus importante pour maintenir le débit du fleuve.

Pour aller plus loin
→ Découvre les images stéréotypées de la Suisse véhiculées par le tourisme.
→ Pour en savoir plus sur la légende de l’hôtel du Rhône.

Mots clés
Fleuve, eau, peinture, science, photographie, tourisme